989.- J'ai vu Les Femmes Savantes au Théâtre 14 non sans émotion car la représentation était en tout point parfaite.
Le décor de
Edouard Laug tout d'abord est surprenant car tout en perspective et en faux fuyant nous donne une curieuse vision de l'espace, surtout avec le panneau lumineux collé au plafond, les plans inclinés de la bibliothèque. Autre astuce, le miroir incliné placé judicieusement au fond nous permet de ne rien manquer des expressions des comédiens.
Les lumières sont signées
Laurent Béal un orfèvre en la matière qui avait déjà le visuel très imaginatif de
L'Ingénu. Les transitions entre les actes sont ainsi très originales et mèlent habilement lumière tombante et musique douce.
Le final époustouflant avec les deux poses des comédiens est digne d'un tableau de Vermeer.
Les comédiennes ensuite.
Nicole Dubois est une Martine pleine de peps et c'est la seule qui ose tenir tête au dragon Philaminte, elle nous fait parfaitement ressentir la paysanne qui n'a aucune honte de ne pas connaitre aussi bien les mots que les femmes savantes.
Anne-Marie Mailfer est une Bélise épatante, dès sa première scène avec Clitandre-Jonathan Bizet elle nous fait comprendre le côté mytho de la soeur de Chrysale qui pense que tous les jeunes éphèbes sont amoureux d'elle. Son "
Ah! tout beau, gardez-vous de m'ouvrir trop votre âme : Si je vous ai su mettre au rang de mes amants, contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements" est un régal.
Elisabeth Ventura est trop belle en Armande, je l'avais vue dans
Les Revenants mais en version DVD malheureusement jamais sur scène. La comédienne fait aussi de la mise en scène, elle fait fragile, sa robe est sublimissime et elle illumine toutes les scènes où elle apparait. Dans la pièce c'est plutôt le personnage perdu dans ses contradictions qui s'est refusé à Clitandre ensuite qui le souhaite comme époux. Sa première est scène lui permet déjà de montrer son talent évident. Elle joue la soeur outrée de la légèreté d'Henriette avec une colère contenue très impressionnante.
Marie-Julie Baup m'avait ému dans
Amadeus, surtout dans la scène où Wolfie joué par Lorant Deutsch terrassé par la maladie lui dit des derniers mots d'amour. Après cela, elle peut jouer n'importe quoi et donc camper une charmante fille cadette de Chrysale - Jean-pierre Leroux.
Dans le rôle de Philaminte, lorsque Jean-Laurent Cochet apparait à l'Acte II, scène 6 pour chasser Martine la servante, tout le monde rit de le voir avec son corset et sa perruque, digne mélange entre Zaza Napoli et La Castafiore. Mais quand il commence à jouer, respect. C'est juste parfait, il ne joue pas l'autorité suprême et l'autorité d'un système matriarcal, il l'est. Tout dans les yeux, les gestes, les postures et le timbre de la voix participe à nous faire craindre le terrible dragon que Chrysale appelle "mon coeur et ma mie". Cochet a créé un cours d'art dramatique prestigieux dont sont sortis la plupart des Compagnons de la Chimère, Arnaud Denis, Stéphane Peyran et aussi Olivier Sauton, Fabrice Luchini, Gérard Depardieu.
Jean-Pierre Leroux est en lui-même un vrai personnage de théâtre attachant et agréable. Il est magnétique sur scène et c'est drôle de reconnaître la voix de Murdock le méchant de MacGyver lorsqu'il joue Chrysale. Il veut tenir tête à sa femme et est tantôt autoritaire, tantôt craintif face à sa terrible épouse n'osant soutenir son regard.
Bernard Métraux est le deus ex-machina, Ariste frère de Chrysale il est la bonne conscience et la voix de la raison quand il ne la prête pas à Horatio Caine dans Les Experts Miami.
Jean-Pierre et Bernard faisaient de merveilleux Argante et Géronte dans Les Fourberies de Scapin.
Mon pote Stef,
Stéphane Peyran a peu de répliques mais j'adore trop le voir arriver cheveux en brosse et manteau de cuir tel un
Mad Max ou un valet habillé à la
Matrix. Quand il revient dans la dernière scène en notaire plus traditionnel, il est méconnaissable mais a la réplique qui tue : "
Deux époux ? C'est trop pour la coutume !" qui remporte haut la main le vote à l'applaudimètre.
Alexandre Guansé est Vadius le Savant et a un morceau comique de joute verbale contre Trissotin, du vrai boulevard.
Jonathan Bizet est le jeune premier, Clitandre que toutes se dispute : Bélise, Armande et Henriette qui est la seule qu'il aime. Quel talent Jonathan, il joue la colère, la joie. Je pensais que c'était Arnaud Denis qui se serait donné le rôle mais Jonathan est épatant.
Baptiste Belleudy dit au début de l'Acte III, scène 3 :"
Monsieur, un homme est là qui veut parler à vous ; Il est vêtu de noir, et parle d'un ton doux.". C'était beau de voir Alexandre Guansé et lui en costumes de valets et en arrière plan pendant la scène de lecture des Femmes Savantes lorsque leurs ombres projetées sur les plans inclinés de la bibliothèque nous plonge dans l'ambiance de l'époque.
Arnaud Denis le metteur en scène joue Trissotin. Avec sa dégaine il me fait plus penser à Jack Sparrow qu'à un philosophe mais il assure à fond les ballons, surtout quand il esquisse des pas de deux au moment de réciter les vers.
Je me suis régalé et j'ai goûté à la pièce comme on boit du petit lait ou plutôt un whisky écossait pure malt, avec délectation et un bon cigare.
Merci Arnaud merci les Compagnons de la Chimère, vous nous donnez énormément de plaisir.
"Les Femmes Savantes" au Théâtre 14, 20 av Marc Sangnier 75014 Paris jusqu'à fin octobre 2009, actuellement au Petit Théâtre de Paris du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h jusqu'au 9 janvier 2010 puis en tournée dans toute la France, en Suisse
Jean-Laurent Cochet est Philaminte, Elisabeth Ventura est Armande, Marie-Julie Baup est Henriette, Jonathan Bizet est Clitandre, Anne-Marie Mailfer est Bélise, Bernard Métraux est Ariste, Nicole Dubois est Martine, Arnaud Denis est Trissotin, Alexandre Guansé est Vadius le savant, Stéphane Peyran est Julien et le Notaire, Baptiste Belleudy est L'Epine et Jean-Pierre Leroux est Chrysale.
(Crédit photo : LOT)
Article paru dans Le Point.
Quelques dates de la tournée 2009-2010 :
- A partir de mi-novembre au Petit Théâtre de Paris ;
- 26/01/2010 au Théâtre de Fos-sur-Mer
- 12/02/2010 A L'Ermitage Compostelle au Bouscat
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