362. - Je suis en train de m'approprier une fable de Jean de Lafontaine, elle relate l'un des échecs amoureux de JDL relatif à la Marquise de Sévigné. Réputée pour plus jolie femme du Royaume de France, elle était courtisée par tous les gentilhommes auxquels elle n'affichait que dédain et froideur d'une petite fille bien trop gâtée. Lors du cours de samedi, j'abordais cette fable d'une manière légère détachée, certains diraient débonnaire, car je n'avais pas saisi l'idée, le sentiment derrière la fable. Lafontaine l'a écrite car blessé dans son orgueil et dans son amour à sens unique, il a voulu stigmatiser le mal et s'en débarrasser en accouchant d'une fable jetée à la figure de celle qui l'avait rejeté. Olivier Sauton m'a remis sur les rails et je n'ai pas bien puisé loin dans mes souvenirs pour retrouver celui d'une donzelle qui après m'avoir fait tourné en bourrique pendant deux ans m'a jeté comme une m... La honte comme la haine que j'avais ressentis à cet instant amer sont revenus à la tête et je crois que j'ai répété mon texte d'une façon bien différente de celle de la première fois devant le public de mes comparses élèves du Cours Sauton. Le théâtre permet de faire ressurgir ces sentiments afin de mieux les oublier. Il n'est jamais bon de garder de la rancoeur endormie car elle peut toujours apparaître à des moments mal à propos.
Le Lion Amoureux
Sévigné, de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près,
Pourriez-vous être favorable
Aux jeux innocents d'une Fable,
Et voir, sans vous épouvanter,
Un Lion qu'Amour sut dompter ?
Amour est un étrange maître.
Heureux qui peut ne le connaître
Que par récit, lui ni ses coups !
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,
La Fable au moins se peut souffrir :
Celle-ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir,
Par zèle et par reconnaissance.
Du temps que les bêtes parlaient,
Les Lions entre autres voulaient
Etre admis dans notre alliance.
Pourquoi non ? puisque leur engeance
Valait la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure outre cela.
Voici comment il en alla :
Un Lion de haut parentage,
En passant par un certain pré,
Rencontra Bergère à son gré :
Il la demande en mariage.
Le père aurait fort souhaité
Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui semblait bien dur ;
La refuser n'était pas sûr ;
Même un refus eût fait possible
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin.
Car outre qu'en toute manière
La belle était pour les gens fiers,
Fille se coiffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le Père donc ouvertement
N'osant renvoyer notre amant,
Lui dit : "Ma fille est délicate ;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte
On vous les rogne, et pour les dents,
Qu'on vous les lime en même temps.
Vos baisers en seront moins rudes,
Et pour vous plus délicieux ;
Car ma fille y répondra mieux,
Etant sans ces inquiétudes.
Le Lion consent à cela,
Tant son âme était aveuglée !
Sans dents ni griffes le voilà,
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.
Amour, Amour, quand tu nous tiens
On peut bien dire : "Adieu prudence."
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