La mise en scène inventive est signée Stéphanie Raphaël, comédienne qui a su exploiter les possibilités de jeu de ses interprètes et l'espace de la scène du Quai de Jemmapes à deux pas du mythique Hôtel du Nord. J'étais encore resté sur ma déception du Dom Juan de Molière mis en scène par Cyril le Grix au Théâtre Mouffetard qui m'avait endormi pour le prix de deux tickets de cinéma quand même, cela fait cher la sieste. De plus, je savais qu'il s'agissait à nouveau d'un Dom Juan vieillissant donc j'avais peur d'une pièce académique au pouvoir soporifique sans pareil jouée en plus par des non-professionnels. Quelle ne fut ma joie quand le rideau virtuel s'est levé. J'ai passé un excellent moment avec les interprètes de cette adaptation de la première pièce de théâtre d'Erik-Emmanuel Schmitt, La Nuit de Valognes dont j'avais apprécié l'originalité dans l'exploration du mythe du célèbre séducteur, tout en étant déçu de la relative faiblesse du niveau de langage utilisé. Passer après Molière est quasi-impossible pour un auteur contemporain.
La scène d'exposition des personnages du procès est un peu longue mais permet de bien dessiner le contour des victimes devenues juges du séducteur, dont les talentueuses Marie Ramos et Nadette Jaulin. Quand Léon Abravanel arrive enfin avec une prestance majestueuse, il met en place une qualité de silence que sa voix claire et charismatique arrive à troubler sans choquer nos oreilles. Il fait jeune mais en plus il nous captive dans ses tirades qu'il sort avec style et assurance. J'ai étudié le rôle, il compose un superbe Dom Juan.
Gloria Michberg est épatante dans le rôle de la bonne soeur et chacune de ses paroles déclenche l'hilarité générale, le rôle comique de la pièce. Béatrice Gornet est remarquable également dans celui de La Comtesse hystérique et elle est à fond dans son personnage de nymphomane prête à tout pour assouvir ses désirs animals. Fabienne Letullier-Lanson a énormément d'autorité et de présence dans son rôle de la maîtresse de cérémonie qui semble tirer toutes les ficelles du procès. Renaud Richard est un Sganarelle criant de vérité à tel point que l'on ne voit pas la différence quand il retire son costume de scène et vient prendre un verre à la fin de la représentation.
Nadia Bammou qui joue Angélique de Chiffreville m'a le plus surpris. Je n'avais vu d'elle que quelques improvisations approximatives et plutôt timides, j'ai été épaté par sa prestance et sa maitrise lorsqu'elle apparu dans son duo avec Dom Juan toujours impérial. Toute la salle a retenu son souffle pendant sa tirade et le silence a été brisé par les premiers applaudissements nourris des spectateurs émerveillés par la qualité de ce qu'ils voyaient. Les comédiens nous ont diverti de la meilleure façon : ils nous ont raconté une histoire et c'était loin d'être un procès ennuyeux et quasi-métaphysique. J'ai bien apprécié les références au Dom Juan de Molière avec Stéphane Piacentini qui fait bien l'automate en mimant la statue du Commandeur et la dernière parole de Sganarelle qui dit "Mes gages, il m'a donné mes gages !" alors que dans la version originelle de Molière il fait "Mes gages, mes gages" car Dom Juan part sans le payer, je me suis bidonné mais j'étais le seul sur ce coup-là.
Frédérique Bernard est tout à fait charmante, j'espère qu'on l'entendra plus dans la prochaine pièce de cette formation pleine de promesses. Cela fait très plaisir de voir un tel spectacle de qualité qui respecte à ce point l'esprit de Molière : nous faire passer un bon moment avec une bonne pièce qui donne le sourire jusqu'aux oreilles à la sortie.
"Le Procès de Dom Juan" Mise en scène Stéphanie Raphaël avec Léon Abravanel, Fabienne Letuilier-Lanson, Nadia Bammou, Stéphane Piacentini, Béatrice Gornet, Marie Ramos, Gloria Michberg, Nadette Jaulin et Frédérique Bernard les 9, 12 et 13 novembre 2009 à l'Espace Jemmapes, 116 Quai de Jemmapes 75010 Paris
Nadia Bammou plus que surprenante laisse entrevoir des aptitudes au delà du commun des acteurs les plus reconnus du cinéma français.
Elle a sut exprimer le désir, la naïveté, la fourberie, la déception avec un naturel propre au souvenir d'Angélique.
Phil
Rédigé par : Phil griego | 16 novembre 2009 à 21:38
Phil, soit tu as fumé la moquette, soit tu n'es jamais allé au théâtre ou vu de films avec les "acteurs les plus reconnus du cinéma français".
Rédigé par : giao | 17 novembre 2009 à 18:05
Phil, est ce qu'on est ami? parce que si c'est le cas, tu ne me rend pas service ;-) et si nous nous ne connaissons pas...
Giao, merci pour ton ptit coup de coeur ;-) mais j'ai envie de te demander à quoi tu carbures? article à 2h du mat!, levé 5h puis soirée puis, puis ... y e comprend pas, je veux les mêmes !!!
Merci d'être venu :-) Bise, Nadia
Rédigé par : Nadia | 18 novembre 2009 à 12:01